Le monastère de Piva, également connu sous le nom d’église de l’Assomption de la Sainte Mère de Dieu, est situé près de la source de la rivière Piva, dans le nord du Monténégro. Ce monument orthodoxe est souvent qualifié de l’un des plus importants du Monténégro, et à juste titre. Niché dans le village de Piva, au sud de Goransko et à environ 55 kilomètres de Nikšić, cet édifice religieux et culturel vaut le détour non seulement pour son architecture spectaculaire, mais aussi pour son histoire fascinante et les trésors qu’il abrite.
Histoire et fondation du monastère de Piva
La construction du monastère de Piva débuta en 1573 sous la direction du métropolite de Zahumlje et de l’Herzégovine, Savatije Sokolović. Ce dernier était un proche parent du grand vizir Mehmed Pacha Sokolović, un converti au sultanat qui jouissait d’une influence considérable auprès de trois sultans ottomans. Grâce à ce lien, Savatije Sokolović put obtenir l’autorisation nécessaire pour ériger ce monastère, une tâche qui s’étendit sur plus d’une décennie jusqu’à son achèvement en 1586. Ce fut une période marquée par l’occupation ottomane des Balkans, rendant la réalisation de cette entreprise encore plus remarquable.
Le monastère est dédié à la Dormition de la Theotokos, la mère de Dieu. Les deux principaux ouvriers chargés de la construction furent des frères nommés Gavrilo et Vukašin. Une des caractéristiques les plus distinctives de ce monastère est qu’il figure parmi les plus grandes églises orthodoxes serbes construites durant cette période.
Déplacement et enjeux géographiques
En 1969, le gouvernement monténégrin initia le projet hydroélectrique de Piva, qui entraîna la construction du barrage de Mratinje. Face à la nécessité de créer un nouveau réservoir qui submergerait l’emplacement originel du monastère, une décision fut prise : le monastère devait être déplacé pierre par pierre. Ce fut une entreprise audacieuse et complexe qui dura environ 12 ans, jusqu’à son achèvement en 1982.
Le monastère fut déménagé dans le village de Goransko, à proximité du lac Mratinje, à environ neuf kilomètres de son emplacement initial. Ce processus de transplantation rigoureux comprit le démantèlement méticuleux de chaque pierre de l’édifice, le déplacement de plus de 1 260 mètres carrés de fresques, et leur réinstallation sur les nouveaux murs du monastère. Une tâche titanesque, rendue d’autant plus compliquée par la préservation nécessaire de la richesse historique de l’édifice.
Architecture et décoration intérieure
Le monastère de Piva se distingue par son architecture simple mais captivante. Érigé en pierre locale, l’édifice possède trois nefs, avec une nef centrale plus élevée que les deux autres. Fait intéressant, il ne possède pas de coupole, une caractéristique souvent absente dans les églises orthodoxes de cette période.
Les fresques et les peintures du monastère sont parmi ses trésors les plus précieux. Beaucoup d’entre elles furent exécutées par des peintres grecs entre 1604 et 1606. Leurs œuvres ornent l’intérieur de l’édifice avec de magnifiques scènes religieuses. Le prêtre local Strahinja de Budimlje peignit la partie supérieure du porche, incluant un Akathist à la Mère de Dieu. En 1626, Kozma, un autre artiste, contribua à l’embellissement de l’église en réalisant de nombreuses icônes sur l’iconostase, dont celles de Saint-Georges et de la Dormition de la Vierge, datées de 1638-1639. Zograf Longin, quant à lui, peignit les icônes du trône représentant la Mère de Dieu, le Christ et l’Assomption de la Mère de Dieu.
Les peintures offrent non seulement une valeur artistique, mais aussi un précieux aperçu des expressions religieuses et culturelles de l’époque. Le monastère de Piva, ainsi que les monastères de Morača et de Mileševa, sont souvent décrits comme des chefs-d’œuvre médiévaux qui abritent d’anciens écrits et œuvres d’art inestimables.
Un trésor de livres et d’objets liturgiques
Le monastère abrite une riche collection d’archives, une bibliothèque et une trésorerie. En 1991, elle comprenait 183 livres et près de 280 autres objets, dont des objets rituels, des livres liturgiques rares, des œuvres d’art et des objets de métaux précieux. L’un des artefacts les plus remarquables est un psaume imprimé par Crnojevići entre 1493 et 1496. Cette presse, la première des Balkans, produit un psaume daté de 1494, découvert par hasard parmi d’autres documents dans la bibliothèque du monastère.
Parmi les autres objets précieux, on trouve le Psautier de Djuradj Crnojević de 1495 et l’omophorion de Savatije Sokolović de 1568. Le monastère possède aussi des objets personnels de Bajo Pivljanin, un héros national. Ces collections offrent un aperçu inestimable de l’histoire religieuse et culturelle du Monténégro. Lors d’un séjour au Monténégro, la visite du monastère de Piva est une occasion enrichissante de découvrir ces trésors historiques et culturels.
Célébration de la culture et des traditions orthodoxes
Le monastère de Piva est très respecté pour son rôle dans la préservation et la transmission des traditions orthodoxes serbes. De nombreux rituels religieux y sont observés, et les festivités liées à la Dormition de la Theotokos attirent des fidèles de tout le pays, et même au-delà.
La richesse des traditions religieuses se reflète également dans les objets liturgiques conservés au monastère. Chaque pièce raconte une histoire, capture un moment de foi et d’endurance spirituelle. Le monastère met en lumière non seulement une riche tradition spirituelle, mais aussi un dévouement inébranlable à la préservation de son patrimoine.
Conservation et efforts de restauration
Pour protéger les fresques des effets de l’humidité, le monastère a été doté de dispositifs de drainage permettant de prévenir les infiltrations d’eau. En 2008, l’ambassade américaine à Podgorica fournit 22 200 euros pour la reconstruction du système de drainage. Ces efforts de conservation sont essentiels pour garantir la longévité de ce monument historique et pour permettre aux générations futures d’apprécier sa splendeur et sa signification.
Les travaux de restauration entrepris au cours des années ont permis de maintenir le monastère de Piva en bon état. Ces efforts s’assurent que les fresques, les icônes et les structures sculpturales restent intacts, malgré les ravages du temps.
Faits fascinants sur le monastère de Piva
Il est intéressant de noter que le monastère a pu être érigé malgré l’occupation ottomane, grâce aux relations diplomatiques de Savatije Sokolović avec son parent, le grand vizir Mehmed Pacha Sokolović. Ceci constitue un remarquable exemple de tolérance religieuse en période de domination étrangère.
Le processus de déplacement du monastère de son emplacement original à son site actuel est l’un des plus importants efforts de transplantation architecturale jamais entrepris dans les Balkans. Ce projet titanesque a permis de préserver cet édifice historique pour les générations futures.
Le monastère de Piva est aussi un rare exemple de lieu de culte chrétien qui comprend un portrait d’un converti musulman, avec une fresque représentant Savatije Sokolović et le grand vizir Mehmed Pacha Sokolović, une inclusion exceptionnelle pour une église chrétienne.
Le monastère de Piva est bien plus qu’un simple édifice religieux; c’est un témoignage vivant de l’histoire et des traditions spirituelles du Monténégro. Sa construction emblématique, son déplacement audacieux et sa valeur artistique inestimable en font un site d’une importance culturelle et historique exceptionnelle.
En visitant le monastère de Piva, on ne découvre pas seulement un lieu de foi et de dévotion, mais aussi un fragment vivant de l’histoire qui continue de résonner à travers les siècles.
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